Le terrain Bouchaballe by Max Jacob

Le terrain Bouchaballe by Max Jacob

Auteur:Max Jacob [Jacob, Max]
La langue: fra
Format: epub
Tags: littérature française
ISBN: 9782070744190
Éditeur: L'imaginaire
Publié: 1923-04-14T23:00:00+00:00


CHAPITRE II

La rue Verte

– Nous allons l'enterrer comme du fumier ! le maire est démoli ! disait à M. de Reversy Simonnot, dans l'escalier en pierre de l'Hôtel de Ville. Des gros manteaux dont il couvrait sa barbe, ses rhumatismes et son nez, sa voix sortait couverte autant que ses épaules.

– Je considère qu'il est exorbitant qu'une intelligence posée comme la vôtre, mon cher, se permette de voir l'ennemi mort, alors qu'il n'est pas à terre, répondit M. de Reversy, qui a fini par se croire le titre de marquis, parce qu'il s'applique à en jouer le rôle. Les deux candidats rivaux à la Mairie ne se quittaient plus ; ils étaient toujours suivis de Pancrasse ; comme les grands hommes le sont des gros hommes.

– Je ne dis pas, ajouta-t-il, en se peignant la barbe, avec un rire suffisant et silencieux, que le personnage soit très sympathique ni très intéressant, mais il est vigoureux et il ne sera pas facile de lui tirer les vers du nez.

– Raisonnons pied à pied ! monsieur le Marquis ; avoir à soi dans son champ une matière à exploiter et reculer quand il faut donner le coup de pelle, c'est laisser pourrir la bonne racine au lieu de l'engraisser. Suivez-moi bien ! Quand une ville a un maire, c'est pour sa prospérité. Or, de deux choses l'une ! ou Lecourbe veut la prospérité de la ville ou il ne veut pas sa prospérité. S'il veut la prospérité de la ville, il faut qu'il sorte le charbon qui est dans le terrain Bouchaballe. S'il ne veut pas la prospérité de la ville, logiquement il ne doit plus être le maire ! Hein ? qu'est-ce que vous dites de ça ? répondez si vous pouvez. Et alors, c'est moi ou vous qui tenons l'écharpe et les droits attachés à l'écharpe. Donc Lecourbe est démoli ! il est dans le fossé ! il est déblayé !

– Il est certain que vous n'avez pas tout à fait tort. Vous raisonnez bien ! votre raisonnement est juste, dit Pancrasse.

– La logique n'est pas mauvaise, messieurs, mais la prudence ! ne soyons ni violents, ni brutaux ! soyons chics ! soyons corrects ! ménageons la bête ! la correction est la politique des gens d'esprit ! la discussion doit être courtoise pour être sans reproche, dit Reversy.

– C'est drôle ! il y a des gens qui font des embarras ! qui se font du mauvais sang ! Actuellement, la politique réussit par un tas de petits moyens, c'est un jeu ! dit Pancrasse.

Pancrasse est de l'avis de la vérité et comme il y a toujours une part de vérité dans tous les avis, le sien est celui de chacun. Habileté ! dit Reversy. Indifférence ! dit l'adjoint Favrel. Aimable faiblesse ! dit l'indulgent Lecourbe. Philosophie ! dit M. Grouillard. Son cousin, le chanoine, sait que l'habileté de Pancrasse tourne ses faiblesses ou son indifférence au profit de sa vanité. Il cède, il s'efface, il reconnaît ses erreurs, mais



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